le "couvre-feu digital" pour mieux dormir
Une spécialiste du sommeil, en conférence ce mardi 27 novembre, à Luisant, recommande le "couvre-feu digital" pour mieux dormir
Le constat est là, et il est alarmant : plus de 30 % de la population des pays industrialisés ne dort pas assez. Le phénomène n’est pas récent, mais il s’est aggravé ces vingt dernières années. Plus préoccupant, il touche de plus en plus les jeunes. Le Dr Joëlle Adrien, neurobiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, n’hésite pas à parler d’épidémie de manque de sommeil. Elle animait une conférence, mardi 27 novembre, à Luisant.
« Il y a de plus en plus de personnes qui sont dans cette situation, à cause du rythme de vie. C’est même une progression exponentielle, constate Joëlle Adrien. On ne parvient pas à rattraper tout ce retard de sommeil. On vit avec un manque de sommeil chronique. »
Un état sentinelle permanent
La chercheuse pointe du doigt une société qui glorifie la performance, le « toujours plus vite, toujours plus, accessible très vite et à tout moment du jour et de la nuit ». Une société du « 24/24, 7/7 », dans laquelle Internet joue un rôle primordial. Cette connexion permanente induit une stimulation émotionnelle, que la chercheuse appelle un « état sentinelle » : « Il y a une excitation, du fait d’être relié à un réseau, avec lequel on peut interagir. »
Lumière bleue et Internet : attention danger
Il existe un autre danger pour notre sommeil, lié à l’omniprésence des écrans : la lumière bleue diffusée par les téléphones portables, les tablettes et les ordinateurs.
« L’écran rétroéclairé est composé de leds bleues, jaunes et rouges. Votre œil voit du blanc, mais les leds bleues sont prédominantes et votre horloge biologique, elle, voit un maximum de bleu. »
Or, ce bleu, qui correspond à la lumière du jour, donne au cerveau un signal d’éveil et d’activité, au lieu d’activer les mécanismes biologiques de l’endormissement.
Chez les adolescents, le manque de sommeil entraîne une perte de matière grise
Quelles conséquences pour la santé ?
« Des mesures faites sur des jeunes de 15 ans en manque de sommeil ont mis en évidence un déficit de matière grise dans des zones du cerveau importantes pour les fonctions intellectuelles et la gestion des émotions et des informations, avertit la spécialiste. Ces mesures sont récentes, on ne connaît pas encore les conséquences à long terme. »
Pour les adultes aussi, la dette de sommeil est lourde de conséquences. « On s’est aperçus que cela avait un impact extrêmement négatif sur la santé en général et sur le risque de maladies chroniques ou de leur aggravation. »
Hypertension, diabète, obésité, cancer, infections microbiennes et virales, Joëlle Adrien évoque un « satellite de conséquences extrêmement préoccupantes ».
Que faut-il faire pour éviter ces dangers ?
Le Dr Joëlle Adrien recommande un « couvre-feu digital », de 22 heures à 6 heures du matin.
« Une à deux heures avant d’aller dormir, et toute la nuit surtout, il faut se déconnecter du monde. Comme avant, on ferme sa maison à clé, on se met dans sa chambre et les voisins, les amis ne viennent pas sonner chez vous après 21 ou 22 heures. Aujourd’hui, n’importe qui peut vous déranger, y compris dans votre lit pendant la nuit, parce que vous avez votre smartphone près de vous. Il faut se protéger de cette intrusion d’Internet, au moins la nuit. »
Pour autant, Joëlle Adrien ne prêche pas pour l’abandon total des écrans. « Il ne s’agit pas d’interdire aux gens de communiquer, insiste la chercheuse, juste de dire qu’il y a un moment où il ne faut pas le faire, pour préserver sa santé mentale et physique. »
Article paru dans l’Echo Républicain du 26/11/2018